Actualités of Tuesday, 26 June 2018

Source: camer.be

Concession d’Eneo: Paul Biya court-circuite Séraphin Magloire Fouda

Séraphin Magloire Fouda Séraphin Magloire Fouda

Le garant des intérêts de l’Etat dans le conseil d’administration du distributeur de l’électricité souhaitait un audit de la concession avant toute décision sur l’avenir. Mais Paul Biya en a décidé autrement.

C’est peu dire que d’affirmer que les Camerounais ne sautent pas de joie en apprenant l’extension de la concession d’Eneo, le fournisseur de l’électricité dans le pays. «Cette fois-ci on est mort», commente par exemple un internaute en faisant allusion aux interruptions dans la fourniture de l’énergie. Ce sentiment d’insatisfaction, des citoyens le partagent même dans les hautes sphères de la République. En décembre 2017, le secrétaire général des services du Premier ministre, et non moins président du conseil d’administration d’Eneo, signe un avis d’appel à manifestation d’intérêt qui s’apparente à un véritable procès contre l’action de l’entreprise contrôlée à 52% par le fonds d’investissement britannique Actis.

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«Le changement de statut du fournisseur de l’électricité n’a pas eu d’incidence notoire sur la condition du consommateur, bien au contraire. On déplore toujours autant de désagréments électriques caractérisés par des délestages fréquents et intempestifs. Toutes les catégories de consommateurs en sont durement affectées. Par ailleurs, l’électricité coûte chaque jour un peu plus chère au Cameroun, les disparités entre les zones urbaines et les localités rurales se sont accrues, en violation des dispositions de la loi régissant l’électricité, notamment en ce qui concerne celles portant sur l’égalité des usagers du service public», dénonce Séraphin Magloire Fouda, garant des intérêts de l’Etat dans le conseil d’administration du distributeur de l’électricité.

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Pression

L’étude que l’agrégé d’économie envisage alors de réaliser doit «mettre un accent particulier sur l’évaluation des performances techniques réalisées par le partenaire actuel [Eneo, NDLR], en comparaison avec les meilleurs standards internationaux dans les domaines de la production et de la distribution de l’électricité». Mais le dépouillement des offres soumises pour le recrutement du consultant chargé de conduire cette étude, dont l’objectif est de procéder au «découpage en zones économiquement viables du périmètre du segment de distribution actuel de l’électricité au Cameroun camer.be», va de renvoi en renvoi, jusqu’à ce qu’on en entende plus parler. Et ce 13 juin 2018, Paul Biya tue tout suspense en autorisant le ministre de l’Eau et de l’Energie de prolonger pour une durée de 10 ans, à partir du 18 juillet 2021, le contrat cadre de concession et les contrats dérivés qui lient l’Etat du Cameroun à Eneo.

Il faut dire que le pays est sous pression. Les bailleurs de fonds internationaux, contributeurs annoncés pour la construction du barrage de Nachtigal (420 MW), conditionnent en effet la libération de leurs financements à l’extension de cette concession. A ce jour, le closing financier du projet n’a pas encore eu lieu, alors que l’infrastructure doit entrer en activité en 2022. Et tout retard va creuser davantage le déficit énergétique et entrainer une dégradation de la qualité du service. A titre d’illustration les difficultés de ces jours sont notamment le fait des retards enregistrés dans la mise en service du barrage de Memve’ele. Annoncée pour 2017, cette infrastructure de 211 MW n’est toujours pas en service.

En cause, l’absence d’une ligne électrique pour pouvoir évacuer l’énergie vers les agglomérations. Selon les chiffres communiqués par Eneo, cette situation engendre des coûts supplémentaires d’un milliard de francs CFA chaque mois pour l’achat du gasoil en vue de faire tourner les centrales thermiques et combler le déficit. Du coup, le pays a été obligé de faire, lors de la révision budgétaire du 4 juin, une provision budgétaire de 20 milliards de francs CFA pour supporter la subvention des prix de l’électricité.